Le poisson FA
Boby
Lapointe
Il était une fois
Un poisson fa.
Il aurait pu être
poisson-scie,
Ou raie,
Ou sole,
Ou tout simplement poisseau
d’eau,
Ou même un poisson un peu là,
Non, non, il était poisson fa
:
Un poisson fa,
Voilà.
Il n’avait même pas de dièse,
Et
d’ailleurs s’en trouvait fort aise;
«C’est un truc, disait-il,
A laisser à
l’écart,
Après, pour l’enlever,
Il vous faut un bécarre,
Et un
bécarre,
C’est une chaise
Qui a un air penché et pas de pieds
derrière;
Alors, très peu pour moi,
Autant m’asseoir par terre,
Non,
non, non, non, non, non, non,
Pas de dièse.
Quoi vous avez le front de
trouver cela beau,
Un dièse qui vous suit partout comme un cabot ?
Comme
il disait ces mots, passait sur le trottoir
Un cabot très truité, qu’il avait
vu trop tard,
Et qui avait ouï la fin de la harangue
Parlé
«Ut !
dit Fa in petto.»
J’ai mal tenu ma langue
Ça pourrait me coûter poisson
!
C’est comme ça qu’on dit en langage poisson,
On ne dit jamais : cher, on
dit toujours : «poisson»
«Je crois bien que j’ai mis la queue dans la
saucière»
Encore une expression de ce langage-là
Qu’on emploie au lieu de
: mis les pieds dans le plat »
Mais le cabot hautain, passait sans
sourciller.
Cependant, quand il fut passé plus qu’à moitié,
D’un grand
coup de sa queue,
Il te souffle ta Fa-a-a-
Et Fa, assez froissé, parti
cahin, cahin, caha :
Parlé
«ll s’en allait soigner son dépit de
poisson
Au débit de boisson »
Il était une fois
Un poisson FA.